La crise va faire exploser le pseudo-débat entre le gauchisme culturel et le social-libéralisme

Publié le par PRG

Res publica
Par Jérôme Manouchian


La crise financière et bancaire, et bientôt la crise économique, sociale et politique, va bouleverser le pseudo-débat entre le gauchisme culturel et le social-libéralisme.
Pseudo-débat parce que ni l'un ni l'autre sont en mesure de changer l'ordre des choses.
Le social-libéralisme parce qu'il a chassé les habits du turbocapitalisme, le gauchisme culturel parce qu'il est coupé du peuple en refusant de se concentrer sur les sujets qui permettent la future alliance des couches moyennes, des couches populaires (ouvriers, employés) et des sans.

Ces derniers négligent et c'est un euphémisme les couches populaires.
Ce pseudo-débat est né de la crise de la gauche de la gauche conséquente à la prise de conscience de l'horreur du stalinisme: il s'est installé alors, à l'échelle mondiale, un pseudo-débat entre le nouveau gauchisme culturel et le social libéralisme. Les premiers organisent un discours soi-disant oppositionnel à la nouvelle gouvernance mondiale, les autres acceptant les fondements du turbocapitalisme, nouvelle phase du capitalisme. Et ces deux formes culturelles sont souvent instrumentalisés par les dirigeants du monde. Et comme ils entraînent à eux deux une majorité de militants, il ne faut pas s'étonner de la nouvelle crise de la gauche. Mais la surimposition de la crise financière et bancaire (bientôt économique, sociale et politique!), est en train de faire voler en éclat ce pseudo-débat.

Le clivage Oui/Non concernant le traité de Lisbonne, bien qu'il soit structurant pour l'avenir de la gauche, n'a pas gommé les faux présupposés tant du gauchisme culturel que du social libéralisme.
C'est d'ailleurs pour cela, que le non de gauche (31,3% sur les 55% du non) n'a pas permis une sortie de crise de la gauche alors qu'il en était la seule possibilité du moment. Son écroulement, en France au moment de la présidentielle (9%) s'explique en grande partie par ces faux présupposés véhiculés par les animateurs du non de gauche.

Nous pouvons montrer comment en dehors de la posture initiale POUR ou CONTRE le néolibéralisme et la concurrence « libre et non faussée », ces deux formes culturelles s'appuient sur des fondements communs.
Nous pouvons montrer que le PS, est, majoritairement le vecteur du social libéralisme et que l'extrême gauche, les antilibéraux, les altermondialistes sont majoritairement les propagandistes du gauchisme culturel et protestataire. Tout cela pour le plus grand PROFIT des dirigeants des firmes multinationales, des associations multilatérales et régionales et de l'administration étasunienne. Mais ils ont en commun tout ce qu'il faut pour ne pas devenir une alternative au turbocapitalisme, nouvelle phase du capitalisme. Les uns sont appelés à fournir des postes de dirigeants du système, les autres à batifoler dans des « zozos » qui donnent de la matière aux médias du social libéralisme sans fournir aux citoyens et aux travailleurs les armes pour combattre le système. Last but not least, ces deux formes de réalité sont incapables de répondre en termes de propositions et de rapport de forces à la crise financière et bancaire (et bientôt économique, sociale et culturelle).

LA LUTTE DES POSTES A REMPLACE LA LUTTE DES CLASSES

Pour les sociaux libéraux, c'est d'une grande clarté. Ils fournissent aux dirigeants du monde, leurs futurs dirigeants : gouvernement Sarkozy Fillon, les socialistes François Lamy et Dominique Strauss-Kahn, tous les deux directeurs nommés par la droite néolibérale, l'un à l'OMC, l'autre au FMI ! Sans compter les apports déterminants à la droite néolibérale lorsque celle-ci est en difficulté : voir la majorité des parlementaires radicaux dits de gauche et le grand « socialiste » Jack Lang pour la révision constitutionnelle française.

Pour la majorité les antilibéraux et altermondialistes du PS, cela se trouve à l'étage inférieur. Derrière une apparence de faconde guerrière, la stratégie des nonistes du PS est souvent guidée par la course aux grands postes électifs, parlementaires et maires notamment.
Il n'y aura donc pas de stratégie Die Linke en France, aucun groupe n'ayant le courage de suivre la voie d'Oscar Lafontaine en la matière.

Mais pour les nonistes hors PS, la lutte des postes revient à faire la cour au PC qui n'a plus de ligne stratégique alternative. Déjà, on a eu le fiasco de « Bouge l'Europe » aux dernières élections européennes, et en 2009 et 2010, ce stratagème est en cours de reconstruction pour un nouveau fiasco avec la mouvance majoritaire des antilibéraux et altermondialistes. Tout cela donne un boulevard électoral au Nouveau parti anticapitaliste (NPA), excroissance de la LCR de Besancenot, qui a décidé de ne pas produire d'alternative politique mais de « surfer » sur le vote protestataire de gauche. C'est pourquoi il passe souvent dans les médias néolibéraux.

LE CLIVAGE RICHES-PAUVRES A REMPLACE LE CLIVAGE EXPLOITEURS-EXPLOITES

La critique justifiée du stalinisme a été utilisée par les dirigeants du monde pour faire discréditer également le conflit nécessaire entre exploités et exploiteurs pour produire le dépassement du capitalisme actuel. Et de proposer aux sociaux libéraux et à la majorité des antilibéraux et altermondialistes, un nouveau clivage qui ne nuit pas à la domination du monde par l'actuelle gouvernance mondiale. Et c'est la doctrine sociale des églises qui a fourni l'ersatz de conflit : vive les pauvres, à bas les riches ! Comme cela, le conflit ne se situerait plus au niveau de la production des richesses et donc de la valeur mais totalement hors la production !

Pour les sociaux libéraux, c'est clair ! Ils préconisent un capitalisme social qui atténuerait « un peu » la croissance forte des inégalités sociales en général et des inégalités sociales de santé en particulier. Ils pleurent sur les pauvres sans leur proposer de possibilités de sortie de leurs conditions. Si on n'écoute plus ce qu'ils disent mais on regarde ce qu'ils font de puis 1983, leurs grandes actions ont contribué à l'augmentation des inégalités sociales (franchises sur les soins dès 1983, désindexation des salaires, remplacement du Code de la mutualité solidaire en code assurantiel en 2001, marchandisation et privatisation des services publics, suppression des élections à la Sécu, diminution des salaires pour quelques millions de salariés lors des 35 heures, participation aux fermetures de services et d'hôpitaux de proximité, remplacement des droits universels par des droits communautaristes sociaux (charité pour les pauvres), développement du communautarisme ethnique et religieux, utilisation de la décentralisation pour ghettoïser les pauvres, acceptation de la nouvelle répartition des richesses au détriment des revenus du travail et des cotisations sociales et au profit des profits (9,3 points de PIB transférés en 25 ans soit près de 170 milliards par an !), etc.

Pour la majorité des antilibéraux et altermondialistes, cela devient de plus en plus clair ! Ils utilisent la même idéologie que les sociaux libéraux, le « Small is beautiful » pour participer à la haine contre les Etats-nations. Le fait qu'en Amérique du Sud, les travailleurs et citoyens utilisent les Etats-nations comme point d'appui à leur lutte, ne les fait même pas changer d'idée. Comme quoi, leur dogmatisme est profond, ils ne tiennent même pas compte de la réalité matérielle ! Et comme l'islam est considéré par eux comme la religion des pauvres, et bien ils n'hésitent pas à s'allier pour les uns au communautarisme religieux et pour les autres directement à l'intégrisme religieux. On est loin de la religion « opium du peuple » du vieux barbu du 19ème siècle! Tant pis pour l'union nécessaire des exploités, et tant pis pour les droits des femmes, puisque le respect des identités est déclaré supérieur aux principe de l'égalité homme–femme. Et puis, last but not least, plutôt que de concentrer leurs forces contre l'attaque prioritaire des dirigeants du monde (hier les services publics et le droit du travail, aujourd'hui la protection sociale), les voilà répartissant leurs forces sur toutes les luttes et principalement dans les conflits secondaires, voir sur les leurres produits comme épouvantail à moineaux par la droite néolibérale sarkoziste (le soutien sur France-inter de Bové à Sarkozy sur le Grenelle de l'environnement est dans toutes les mémoires) !

Et comme ils n'ont pas fait leur deuil de la collaboration pendant la guerre 39-45 et de la colonisation, voire de la guerre d'Algérie, les voilà, avec dans leur tête, leurs pères et grands-pères, en plein dans le syndrome post-collaborationniste et post-colonial ! Et d'utiliser l'idéologie trotskiste, celle qui a détourné de nombreux militants de la résistance durant la deuxième guerre mondiale ! Et Vive les Arabes en général, à bas le complot sioniste international qui dirige le monde, les Israéliens, etc. Comme si il n'y avait pas de lutte des classes en Israël et dans les pays arabes. Aujourd'hui, que le Hamas tue plus de palestiniens que les israéliens, que la plupart des pays arabes exploitent, tuent et torturent des militants politiques et sociaux, n'empêche pas que l'exotisme d'un Tariq Ramadan a de l'influence en leur sein !

CONFUSION SUR LE RACISME ET L'ANTISEMITISME

« ''Et puis survient l'affaire Siné, une déclaration antisémite dans sa plus grande banalité : les juifs sont riches'' »[1]! L'opposition des sociaux libéraux et de la majorité des altermondialistes et antilibéraux fait merveille. Et cela sonne faux pour qui utilise sa raison raisonnante ! D'un coté, le soutien sans faille des sociaux libéraux à un directeur de journal ayant voté oui au traité constitutionnel européen et injuriant tous ceux qui ont voté non au TCE, et dont on peut demander pourquoi aujourd'hui plus qu'hier, de l'autre, une défense sans nuance d'un Siné, dont les déclarations pour le moins ambiguës (sur les juifs, les harkies, les gays et lesbiennes, entre autres) auraient du retenir ceux qui ont été marqué par le syndrome post–collaborationniste et post-colonial. Et les sociaux-libéraux, pourquoi ne pas leur demander pourquoi leur réactivité ici et pas ailleurs ?

LA CRISE FINANCIERE, BANCAIRE(ET BIENTOT ECONOMIQUE, SOCIALE ET POLITIQUE) VA REBATTRE LES CARTES!

Cette crise va être terrible dans la vie quotidienne des citoyens et des salariés: baisse du pouvoir d'achat, chômage massif, protection sociale à la baisse,etc. Il convient donc d'abord de défendre les intérêts immédiats des couches sociales qui vont être touchés de plein fouet.

Mais cette crise peut être un accélérateur de la mutation générale de la gauche française et donc de sa recomposition nécessaire. Simplement, cela ne peut pas se faire en criant "Agissons-agissons-agissons" ou "Unité-unité-unité" comme un cabri! Cela demande d'abord de changer de paradigme en se rappelant cette phrase d'Emmanuel Lévinas : « les idées ne se séparent jamais de l’exemple qui les suggère », c’est-à-dire de leur paradigme. Il faut donc changer de paradigme pour penser avec les idées du monde futur et non avec celles du monde d'hier!

Puis de travailler à une ligne stratégique à front large autour de ces idées renouvelées. Et enfin, traduire organisationnellement cette ligne car si la spontanéité des masses est nécessaire, elle n'est JAMAIS suffisante.

Voilà le défi. Si vous en êtes d'accord, faîtes le savoir !

Publié dans article sur le PRG

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