"Statistiques de la diversité" : la majorité rejette la proposition de députés PS

Publié le par PRG

Le Monde le 19 Février  2009

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écidés à ne pas rester atones face à un président de la République qui a relancé en décembre le dossier de la diversité, les députés socialistes entendent reprendre l'initiative. Une proposition de loi visant à "lutter contre les discriminations liées à l'origine, réelle ou supposée" portée par le groupe SRC (PS, PRG, divers gauche), devait ainsi être discutée, jeudi 19 février. Mais elle a été repoussée dès le début des débats par la majorité qui a voté son renvoi en commission, alors que le projet avait déjà été largement vidé de son contenu lors d'un premier examen. Une manière d'enterrer le projet. Ce projet aurait pourrait bien pu relancer le débat sur la délicate question des statistiques ethniques, autrement appelées aujourd'hui "statistiques de la diversité".

Dans cette proposition, tout en invitant à développer les enquêtes déjà menées sur la base du nom de famille, des prénoms, de la nationalité des parents et grands parents, les députés socialistes proposent d'autoriser les études approfondies pouvant faire appel à des "données sensibles", telles que le "ressenti d'appartenance" à une communauté, pourvu qu'elles soient encadrées de "nombreuses garanties".
Ces enquêtes devraient être ainsi fondées sur le volontariat, l'anonymat, l'auto-déclaration (la personne se définit elle-même) et réalisées à partir de questions ouvertes (absence de choix prédéfinis). Le consentement des personnes devrait être recueilli et une autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) – et non une simple déclaration auprès d'elle – serait nécessaire.

PEINE D'EXCLUSION DES MARCHÉS PUBLICS

La proposition de loi socialiste prévoit également différentes mesures pour lutter contre les discriminations dans l'emploi, le logement, à l'école. Le texte propose d'intégrer la politique menée par l'entreprise en la matière dans les critères d'attribution des marchés publics, au même titre que les critères environnementaux et sociaux. Et il prévoit la possibilité d'une peine d'exclusion des marchés publics pour les entreprises condamnées pour discrimination. Concernant le logement, il est prévu "à titre expérimental et pour une durée limitée", que les organismes HLM attribuent les logements "à partir de dossiers anonymes". Le texte propose par ailleurs de rendre accessibles les classes préparatoires aux grandes écoles, aux "meilleurs élèves de chaque lycée de France" quel que soit leur lieu de résidence. Chaque année, le ministre de l'éducation nationale fixerait pour cela un objectif chiffré du nombre d'élèves bénéficiaires.

"Une partie de nos propositions rejoignent celles préconisées par le président de la République", estimait, mercredi 18 février, Christophe Caresche, signataire du texte avec George Pau-Langevin, élue parisienne née aux Antilles, de Victorin Lurel, député de Guadeloupe et de Jean-Marc Ayrault, président du groupe. Le député de Paris se disait convaincu que "la droite peut se retrouver sur un certain nombre des dispositions" du texte. "Nous ne cherchons pas à faire un coup politique. Nous sommes dans une démarche constructive, ouverts à une vraie discussion avec la majorité", insistait-il, espérant que pourra s'enclencher "un processus législatif constructif" comme au Sénat la semaine dernière. Le 11 février, les sénateurs ont en effet adopté une proposition de loi socialiste supprimant les conditions de nationalité qui restreignaient jusqu'alors l'accès des étrangers à certaines professions.

La majorité n'a visiblement pas partagé ce point de vue. "Je salue votre volonté mais cet enjeu crucial nécessite un travail plus approfondi et plus affiné, je dirais même plus complet", a lancé, jeudi 19 février, Fadela Amara à Mme Pau-Langevin. "Nous devons prendre acte des conclusions du rapport qui sera rendu fin mars par le commissaire Sabeg", a-t-elle ajouté, en référence à Yazid Sabeg, nommé par le chef de l'Etat Haut-commissaire à la diversité et à l'égalité des chances. Le président UMP de la commission des Lois, Jean-Luc Warsmann, a estimé en substance que le PS avait accéléré le dépôt de son propre texte pour tenter de prendre de vitesse les initiatives de l'exécutif. "Vous traitez par le mépris le travail que nous faisons", a déploré le président du groupe PS Jean-Marc Ayrault.

Laetitia Van Eeckhout

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