Européennes : les partis français tardent à s'organiser
Le Monde le 8 Avril 2009
Deux mois avant les élections européennes du 7 juin, les partis français tardent à se mettre en ordre de bataille. Le point sur les enjeux, les stratégies, l'état d'avancement des listes, des programmes et de la campagne.
Toujours pas de listes définitives à l'UMP. Le parti au pouvoir, qui moquait début mars le "rififi" au sein du Parti socialiste, est lui-même bien en peine de boucler ses listes. S'il a choisi ses têtes de liste, il a renoncé au meeting du 27 mars qui devait détailler les candidats. Le président de la commission des investitures de l'UMP, Jean-Claude Gaudin, parle désormais de "fin avril". Le parti est en effet confronté aux revendications locales et à celles de ses alliés du Nouveau centre et du Parti radical de Jean-Louis Borloo, qui demandent chacun trois candidats en position éligible, sans compter les amis d'Eric Besson...
Sur le site de l'UMP, aucune ébauche de programme ou de pages Web n'ont encore vu le jour (mais la liste de Michel Barnier en Ile-de-France dispose d'un site et d'un blog). A l'agenda du parti, seul figure, jeudi 9, un "point-presse" de lancement du siège de campagne francilien. Si Nicolas Sarkozy "s'exprimera" mais "ne fera pas campagne", selon Claude Guéant, François Fillon devrait participer à un meeting, le 28 avril. Le parti compte capitaliser sur la présidence française de l'Union européenne et le sommet du G20. Alors que le scrutin européen est souvent un vote sanction contre le parti au pouvoir, les derniers sondages donnent les listes UMP en tête des intentions de vote, avec 26 à 27 % (contre 16,6 % obtenus en 2004).
Le PS en ordre de marche. La désignation des listes a beaucoup agité le PS : le maire de Lyon, Gérard Collomb, a conduit une fronde contre les choix du bureau national, les militants de la circonscription Centre ont rejeté une première liste conduite par le fabiusien Henri Weber. Mais le Parti socialiste dispose depuis mi-mars de listes validées. Il a aussi lancé un site Internet dédié, et enrichi le projet contenu dans le manifeste du Parti socialiste européen, prévoyant notamment "un vrai plan de relance de l'activité, à l'échelle continentale, en agissant à la fois sur l'investissement mais aussi la consommation". Sont prévus, à compter du 24 avril, huit grands meetings nationaux avec Martine Aubry, mille "initiatives" et autant de réunions. Au niveau national, ce scrutin test pour la nouvelle première secrétaire devra montrer si le principal parti d'opposition parvient à capitaliser sur le mécontentement à l'égard du gouvernement. Il est crédité de 23 à 24 % des voix (contre 28,9 % en 2004).
Le MoDem veut y croire. Après l'échec des législatives et des municipales, ce scrutin est très important pour le très euro-enthousiaste parti de François Bayrou, dans la perspective de la présidentielle de 2012. Les listes viennent d'être bouclées, sauf pour l'outre-mer. Un site dédié a été lancé, deux des huit conventions thématiques européennes se sont déjà tenues, dénonçant notamment le "modèle inégalitaire" de Nicolas Sarkozy, et douze engagements ont été pris, notamment d'"un grand emprunt européen, de 3 % du PIB", pour "une réponse coordonnée face à la crise". Les intentions de vote oscillent entre 10 et 14,5 % (12 % à l'UDF en 2004), mais François Bayrou mise sur la parution de son livre "de combat", fin avril.
Les écologistes partis tôt. Les listes de rassemblement Europe Ecologie, lancées par Daniel Cohn-Bendit et les Verts, sont précocément parties en campagne via un site et un manifeste qui prône notamment une "fiscalité intégrant le juste prix écologique et réorientant les comportements et les investissements". Mais le choix du "débat de fond" plutôt que d'un discours orienté sur la crise et contre Nicolas Sarkozy ne paraît pas faire effet sur les sondages (passés de 11 % en décembre à 7 ou 9 %, contre 7,7 % pour les seuls Verts en 2004). Le premier grand meeting a lieu jeudi, à Toulouse.
La gauche de la gauche, en ordre dispersé. Le Front de gauche, qui réunit essentiellement le Parti communiste français et le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, est entré de plain pied dans la campagne, mardi 7 avril, en présentant ses têtes de liste à la presse. Il propose, sur son site, une déclaration de principe "pour changer d'Europe", et est crédité de 4 à 6 % des voix (5,3 % en 2004). Le Nouveau parti anticapitaliste s'est contenté de présenter la majorité de ses têtes de liste, pour la plupart inconnues, Olivier Besancenot prévoyant de ne figurer qu'en 3e position sur la liste en Ile-de-France. Le parti, qui caracole à 9 % d'intentions de vote, mise sur un démarrage de la campagne en mai. Enfin, Lutte ouvrière, qui avait fait listes communes avec la LCR en 1999 et 2004, est cette fois partie seule, devenant l'un des premiers partis à publier l'intégralité de ses listes (sans Arlette Laguiller). Il juge toutefois "peu vraisemblable" d'atteindre les 5 % nécessaires pour avoir des élus. Les sondages lui accordent 2 à 3 %.
Le FN tente de se relancer. Le parti d'extrême droite a choisi de remuscler son discours pour enrayer les revers enregistrés depuis l'élection présidentielle et contrer la liste dissidente de Carl Lang face à Marine Le Pen. Au lancement de la campagne, mi-mars, ses leaders, largement investis têtes de liste, ont fustigé "l'immigration-invasion", et accusé l'Europe de tous les maux, avant de décliner diverses affiches provocatrices (affirmant que Jaurès et Salengro auraient voté FN). Les listes complètes sont toujours attendues, mais un site dédié renvoie vers les blogs des candidats. Le Front national obtiendrait 6 % des voix (9,4 % en 2004).
Les souverainistes en embuscade. le MPF de Philippe de Villiers et Chasse, nature, pêche et traditions de Frédéric Nihous ont cette fois fait alliance, sous la bannière et le projet du mouvement euro-sceptique Libertas, mais n'ont désigné leurs têtes de liste que le 31 mars et ne présentent pas d'agenda. Ils sont crédités de 5 à 6 % des voix (8,84 % au MPF en 2004). Debout la République, de Nicolas Dupont-Aignan, a présenté ses principaux candidats plus tôt, mais le député de l'Essonne a depuis renoncé à la deuxième place sur la liste en Ile-de-France. Son site de campagne est en revanche très développé, de même que le projet et l'agenda.