Européennes: ces super-circonscriptions qui agacent tout le monde
PARIS, 20 avril 2009 (AFP) - Créées pour "rapprocher l'eurodéputé du citoyen" et éviter que le débat national ne cannibalise le débat sur l'UE, les huit circonscriptions européennes qui regroupent plusieurs régions sont désormaéis accusées de tous les maux par nombre de responsables de différents partis.
Voulue un temps par Lionel Jospin, introduite en 2003 par son successeur à Matignon Jean-Pierre Raffarin, leur création avait eu les faveurs à la fois d'une partie du PS et de l'UMP, pour sortir du système jusqu'alors en vigueur, où chaque parti présentait une seule liste nationale.
"En éclatant le scrutin en plusieurs petits scrutins, nous voulions que les élections européennes ne soient plus une petite présidentielle des partis", se souvient Jean-Pierre Raffarin. L'idée était aussi de "rapprocher le député européen de son territoire et lui donner une proximité avec ses électeurs, éviter qu'il ne soit complètement désincarné", ajoute-t-il.
Mais si l'UMP a du mal à faire ses listes, ce découpage n'y est pas étranger, chaque baron local estimant devoir envoyer l'un des ses proches en position éligible, ce qui compte tenu du nombre limité de places provoque bien des remous, comme c'est le cas dans le Sud-est et le Sud-ouest.
"Ca favorise effectivement les querelles locales, et surtout ça occulte le débat européen. Car souvent, on débat localement d'intérêts locaux", déplore le porte-parole adjoint de l'UMP, Dominique Paillé, "conscient que ce mode de scrutin, qui était fait pour rapprocher les électeurs de l'élu, ne joue pas son rôle".
L'importance de la taille des circonscriptions, qui regroupent des régions très différentes, est aussi un sujet récurrent d'énervement.
"Je me présente dans une zone qui va du bout de la Bretagne à Dunkerque: autant dire que c'est n'importe quoi", raille Marine Le Pen, tête de liste du Front national dans le Nord-Ouest.
"La circonscription du Grand-Ouest ne correspond à rien sur le plan affectif pour la population", juge le président du Mouvement pour la France (MPF) et eurodéputé Philippe de Villier à propos de sa terre d'élection. "Autant dire que le député européen est l'élu de nulle part".
"Ce qui rend ce scrutin anormal, c'est qu'on a fait croire que c'était pour rapprocher les élus des citoyens, alors que ça les éloigne", juge le président du MoDem François Bayrou.
Dès son instauration, les petites formations avaient été les premières à critiquer ce mode de scrutin, dans lequel elles avaient immédiatement vu une manoeuvre pour les fragiliser.
"A l'époque j'étais membre du bureau national du PS. Ce découpage a clairement été fait pour assurer la suprématie des grands partis", rapporte le sénateur Jean-Luc Mélenchon, président du Parti de Gauche (PG). "Prenez la circonscription du Centre, elle a cinq élus, ce qui place le ticket d'entrée à près de 15%", évacuant de fait les petits partis, raconte-t-il.
"C'était une modification électoraliste faite pour handicaper les petits partis, et maintenant ça revient en boomerang aux gros", se réjouit la vice-présidente du FN.
Dans ce concert de critiques, seul le PS fait entendre une voix discordante soulignant que "ce mode de scrutin existe, maintenant il faut faire avec", selon Christophe Borgel, secrétaire national aux élections. "Pour la constitution de ses listes, le PS a eu des contestations d'un certain nombre de grands élus. Mais ce problème, on l'aurait eu quel que soit le mode de scrutin".