Au PS, la fraternité contre "la société peau de vache"
Le Monde le 30 Avril 2009
En faisant scander "fra-ter-ni-té" par ses partisans réunis en septembre 2008 au Zénith de Paris, Ségolène Royal avait suscité bien des railleries. Depuis, il faut croire que le mot a pris quelque consistance. Le Moment fraternité (Gallimard), le dernier livre de Régis Debray, connaît un joli succès en libraire et, mercredi 29 avril sur France Inter, Martine Aubry s'est réjouie que, depuis sa prise de fonctions, "il y (ait) plus de fraternité entre socialistes lors des réunions des instances nationales"
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Ce glissement sémantique n'a pas échappé à Ségolène Royal qui organisait le même jour "une soirée exceptionnelle de réflexion" à la mairie du 4e arrondissement de Paris, en compagnie d'un aréopage d'intellectuels invités à disserter sur "le passage du "on" au '"nous"".
Devant l'auditoire - environ 350 personnes mobilisées par Désirs d'avenir, l'association de Ségolène Royal -, Régis Debray s'est fait l'apôtre de la fraternité, antidote à "une société de peaux de vache" où chacun se contente "de défendre son bifteck". Il s'en est pris à ceux qui n'y voient "qu'un moralisme pour dame patronnesse, une simple digression compassionnelle". Sagement assise à l'extrémité de la table des intervenants, Ségolène Royal semblait boire du petit lait. Christine Taubira, députée (PRG) de Guyane, lui a rendu hommage pour avoir "installé la fraternité dans le débat politique sans que cela soit ringard", et l'écrivain Jean-Claude Guillebaud a avoué son "admiration" pour "une femme qui affronte en permanence la société des railleurs". "Cette soirée est un peu une revanche", admettait Ségolène Royal en marge de la manifestation. Selon elle, "la fraternité, notion chère aux libres-penseurs comme à l'Evangile, est une façon de faire valoir l'intérêt général et le respect ; je voulais aussi signifier cela lorsque j'ai demandé pardon après les déclarations de Nicolas Sarkozy".
Légère fausse note dans ce concert de fraternités, Mme Royal a indiqué qu'elle ne défilerait pas le 1er mai à Paris où les dirigeants socialistes ont prévu de se retrouver à l'unisson. La présidente de la région Poitou-Charentes préfère répondre à l'invitation des salariés d'Heuliez et manifester à Niort. Martine Aubry ne s'en est pas formalisée. "Tous les socialistes seront dans la rue. Pour moi, c'est ça, l'unité du Parti socialiste", a-t-elle fait savoir sur Europe 1. Au PS, la sororité n'est pas non plus un vain mot.