Trafic de diplômes : le directeur de l'Université de Toulon et conseiller régional PRG s'explique

Publié le par PRG

Le Monde le 5 Mai 2009
A
l'université de Toulon, visée depuis le 26 mars par une information judiciaire pour "corruption passive et active, et escroquerie" en raison d'un possible trafic de diplômes avec la Chine, "l'ambiance est délétère", confie Arnaud Lucien, chargé de mission auprès de la présidence. "De fortes suspicions de corruption" se font jour, a admis le ministère de l'enseignement supérieur. "Cependant, il s'agirait d'un trafic localisé sur Toulon", se défend la tutelle.
Comment le trafic, qui, selon les premiers éléments de l'enquête durerait depuis 2004 et concernerait plusieurs centaines d'étudiants chinois inscrits à l'Institut d'administration des entreprises (IAE), a-t-il pu prospérer ? "Pour frauder, il n'y a pas beaucoup de manière de procéder, commente
Pierre Sanz de Alba, vice-président de l'université. Cela peut se passer pendant les examens, avec une transmission préalable des sujets, à la correction, à la saisie des notes ou au niveau des jurys de délibération." En clair, l'opération doit impliquer un grand nombre de responsables universitaires.

Certaines de ces conditions semblent avoir été réunies au sein de l'IAE. C'est ici qu'a éclaté le scandale. Le 10 janvier, un professeur de cette école de commerce interne déposait plainte pour corruption et escroquerie, sur la base de témoignages d'étudiants chinois. Quelques semaines plus tard, Pierre Gensse, le directeur de l'IAE, faisait aussi état d'une double tentative de corruption, le visant lui et l'une de ses collègues enseignantes. Mais ni l'université ni l'IAE n'ont à ce jour déposé plainte. L'affaire s'inscrit dans un dur conflit interne.

L'université a changé de tête en 2007, avec l'élection d'un nouveau président Laroussi Oueslati. Celui-ci, conseiller régional (PRG) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, est une figure politique locale. A son arrivée, il a invité le précédent directeur de l'IAE à démissionner pour "des raisons de déontologie". Deux ans plus tard, le président explique, dans une note adressée au ministère, datée du 27 avril 2009, et que Le Monde s'est procurée, que l'IAE connaît "des désordres internes graves". Son nouveau patron, Pierre Gensse, a entrepris en 2008 de renouveler ses équipes. Cinq personnes ont été mutées dans d'autres services de l'université. "Je souhaite travailler avec les meilleurs, ces personnes n'en faisaient pas partie", justifie le directeur.

Mais, accuse M. Oueslati, dans le même temps, "M. Gensse a verrouillé tous les jurys (de validation des notes) et commissions (de délivrance des diplômes) au profit d'un petit nombre et exclu, de fait, beaucoup d'enseignants". "C'est le président de l'université qui a signé ces nominations !", rétorque le directeur de l'IAE. Cette organisation des délibérations permettant de délivrer les diplômes aurait-elle pu faciliter une éventuelle fraude ?

S'y ajoutent d'autres dysfonctionnements. Tous les Chinois inscrits au master d'entrepreneuriat - quatorze étudiants - ont décroché leur titre en 2008. Or la délibération du jury s'est déroulée sans la convocation de son responsable académique. Pour la présidence de l'université, "il appartiendrait donc à M. Gensse (...) de répondre personnellement de toute irrégularité soupçonnée ou établie" depuis 2007-2008.

Mais le fonctionnement de l'IAE ne serait pas isolé dans l'université toulonnaise. La police a saisi les copies et délibérations des examens de plusieurs composantes de l'établissement. Sous couvert de l'anonymat, plusieurs enseignants dénoncent une situation "clientéliste".

"Contrairement à ce que veut bien admettre la présidence, le système sévissant à l'IAE est répliqué dans d'autres facultés", assure l'un d'eux. "Toulon a toujours eu un système clientéliste", accuse un autre universitaire. Jusqu'à récemment, M. Gensse était ainsi chargé de mission pour les finances auprès de la présidence. "Il fait partie de la sphère de clientèle du président de l'université", remarque cet enseignant très étonné de voire les deux personnalités s'affronter aujourd'hui. "Ceux qui sont dans le système de la présidence obtiennent des financements, des postes", dénonce une troisième enseignante. Dans ce cadre, ces universitaires dénoncent l'opacité du recrutement des étudiants étrangers

Face à l'effritement de ses effectifs, l'université affiche une politique volontariste en la matière. "Une chute de nos effectifs au-dessous de la barre des 10 000 étudiants risquerait de provoquer une conversion de notre établissement en collège universitaire", s'inquiète M. Oueslati. La présidence a décidé "de passer en 4 ans de 18 % d'étudiants étrangers à 25 %".

Une nouvelle commission centralisée de recrutement des étudiants étrangers, a été mise en place dans ce but en 2007. Grâce à cette nouvelle procédure, environ 300 à 400 étudiants étrangers de plus ont pu être accueillis en 2008-2009. Elle est fortement contestée en interne par les facultés, qui craignent que cette ouverture soudaine entraîne une baisse de niveau.

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