Questions sur l’affaire Dieudonné, Roger Gérard Schwartzenberg PRG
Le Parisien le 5 Mai.
En proposant l’interdiction des listes de Dieudonné aux européennes, le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, a relancé le débat sur une candidature controversée.
La candidature du sulfureux comédien Dieudonné M’bala M’bala, qui conduit une liste « antisioniste » en Ile-de-France pour les européennes du 7 juin, n’en finit pas de faire polémique. Beaucoup estiment que ce terme dissimule une orientation antisémite. Dimanche, le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, affirmait que l’interdiction de ses listes était à l’étude.
Pourquoi l’Elysée intervient-il ? L’opposition y voit un coup politique. Selon elle, l’Elysée mettrait ainsi en valeur Dieudonné, qui pourrait au bout du compte grappiller des voix notamment en banlieue sur l’électorat d’extrême gauche. « Faux », réplique l’entourage du président : « Le devoir de l’Etat est d’empêcher ce genre de dérive. Des listes antisionistes n’ont pas leur place en France. » L’Elysée a demandé aux ministères de la Justice et de l’Intérieur de trouver un moyen d’empêcher le dépôt des listes.
Peut-on vraiment interdire les listes de Dieudonné ? Les experts sont partagés. Pour le constitutionnaliste Didier Maus, l’interdiction serait difficile à mettre en oeuvre : « La liberté de candidature aux européennes est beaucoup moins restrictive que pour d’autres élections. » Mais son confrère Roger-Gérard Schwartzenberg, ancien ministre radical de gauche, approuve Guéant : « La loi du 1er juillet 1972 qui condamne les propos appelant à la discrimination peut constituer une base juridique suffisante. D’autant que Dieudonné a été condamné à plusieurs reprises dans le passé. »
Peut-il profiter de la polémique ? Sa dernière conférence de presse n’avait pas déplacé les foules. L’idée de Guéant semble donc le remettre sur le devant de la scène. L’entourage de l’humoriste se frotte les mains : « L’Elysée nous a offert une belle exposition. » Comme Jean-Marie Le Pen, Dieudonné se pose en victime des médias, qui feraient de lui un paria. « Les politiques veulent m’empêcher de travailler, alors je vais sur leur terrain pour les combattre », déclare-t-il. Sa stratégie de la provoc le pousse même à inviter sur scène le négationniste Robert Faurisson.
Pourquoi l’affaire divise-t-elle la classe politique ? Personne ou presque ne défend le discours de Dieudonné. Mais la menace d’interdiction de sa liste fait réagir. Pour le centriste François Bayrou, « cette déclaration du secrétaire général de l’Elysée est une manière de le mettre en scène ». A l’extrême gauche, Olivier Besancenot parle d’une « page de publicité gratuite ». Au PS, Benoît Hamon voit dans l’opération de l’Elysée « un coup électoral à court terme ». Même l’UMP François Baroin craint que le « remède soit pire que le mal »…
Que pèse vraiment Dieudonné ? Son impact dans les banlieues n’est pas négligeable. Sa candidature propalestinienne aux dernières européennes en 2004 (lire ci-dessous) y a eu un certain écho. Mais depuis son rapprochement avec Jean-Marie Le Pen le chef du FN est le parrain de la fille de Dieudonné , de nombreux fans ont été déroutés. Pour reconquérir ce public, le comédien a prévu de sillonner un maximum de villes de la banlieue parisienne dans son « Dieudonné car », son bus de campagne.