Allègre ne gêne pas que la gauche

Publié le par PRG

  • Libération le 20 Mai
    Alain Auffray

    Gouvernement. A quelques semaines du remaniement, l’arrivée possible de l’ancien ministre de Lionel Jospin affole une partie de la majorité. Sarkozy pourra-t-il tenir sa promesse ?

Si l’ouverture s’arrête, il y a fermeture. Pour rester fidèle à sa propre doctrine, Nicolas Sarkozy est donc condamné à proclamer l’ouverture permanente. Chaque remplacement de ministre doit être l’occasion d’envisager le recrutement de personnalités «de gauche» dont le «président de tous les Français» ne veut pas «priver la France», selon la formule du chef de l’Etat.

Pour le prochain remaniement - dont Claude Guéant a confirmé qu’il aurait lieu «entre le 8 juin et le 13 juillet» - Sarkozy aurait déjà fait son choix : ce sera Claude Allègre, ancien ministre de l’Education nationale du socialiste Lionel Jospin. Pour les ministres et les parlementaires de la majorité c’est une quasi-certitude : le géochimiste controversé aurait «reçu des engagements». Il entrera donc au gouvernement.

Provocation. A quel poste ? La question reste ouverte et plonge le petit monde gouvernemental dans des abîmes de perplexité.

Visiteur très apprécié du chef de l’Etat, Allègre jure qu’il n’est «pas dans les starting-blocks» : «Moi, je suis à la retraite, peinard. J’écris mes livres… Mais si je peux rendre service.» Au gouvernement il se verrait bien à la tête d’un grand portefeuille de l’innovation incluant recherche et industrie. Mais ce nouveau ministère empiéterait sur les périmètres de Jean-Louis Borloo et de Christine Lagarde, entraînant une profonde révision de l’architecture gouvernementale. Une hypothèse peu compatible avec l’hypothèse d’un remaniement modeste, évoquée par l’Elysée.

Quant à la perspective d’un retour d’Allègre à la recherche et l’enseignement supérieur, elle affole ministres et parlementaires, convaincus que le monde universitaire y verrait une insoutenable provocation. L’ex-ministre a beau protester qu’il n’a «jamais eu le moindre problème avec l’enseignement supérieur», les élus de droite n’en démordent pas : «Je n’ai aucun problème avec Allègre mais il ne faut pas que ses responsabilités empiètent sur le champ éducatif», explique le député UMP Benoist Apparu, spécialiste de l’éducation.

Pour Nicolas Sarkozy, le cas Allègre tourne au casse-tête. Beaucoup lui conseillent de le régler en confiant au chercheur un «ministère de mission», voir un «haut commissariat» transversal, sans administration, sur le modèle de celui qui a été créé pour le ministre de la Relance, Patrick Devedjian.

Les noms d’autres cibles de l’ouverture ont été complaisamment diffusés. Le socialiste André Vallini à la justice comme remplaçant de Rachida Dati ? L’intéressé a protesté qu’il n’en était pas question. Le maire-adjoint PS de Paris Christophe Girard à la place de Christine Albanel ? Girard est flatté : il y voit «un hommage» à son bilan à la culture aux côtés de Bertrand Delanoë. Mais il jure qu’il n’est pas dupe des possibles «manipulations» de ceux qui colportent de telles rumeurs.

Dans le jeu de Sarkozy, il y a de grandes et de petites ouvertures. Les éventuelles promotions du sénateur Michel Mercier, trésorier du ou du député radical de gauche Paul Giacobbi seraient plutôt à ranger dans la seconde catégorie.

Crédibiliser. Sérieuses ou fantaisistes, les hypothèses d’ouvertures sont abondamment commentées. Pour l’Elysée, cela a le mérite de crédibiliser le projet présidentiel. Dès lors que les personnes approchées ne disent pas non, l’ouverture, quoique virtuelle, produit déjà les effets recherchés. Peu importe au fond que le chef de l’Etat renonce à nommer Allègre. De la fable présidentielle, on retiendra que la chose a été possible.

En pleine campagne européenne, l’électeur doit savoir que le président de «tous les Français» est capable de rassembler au-delà de son camp. En laissant entendre, non sans coquetterie, qu’il n’avait pas encore fait son choix pour le 7 juin, Bernard Kouchner croyait bien faire. Pour rester «d’ouverture», il faut rester capable de voter à gauche.

 

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