Oyez, oyez, la guerre des terrasses n'aura pas lieu
Sud Ouest le 23 Juillet
Héraclès, en bermuda, coiffé d'un bob aux couleurs de son patron le Grec Eurysthée qui ne fait pas la boisson anisée (1), cornet de glace à l'italienne saveur vanille dans une main et tête de l'Hydre de Lerne dans l'autre, aurait été recalé dans l'épreuve de la traversée sans dégât du Cours des Dames un jour de Francofolies.
Des langues, aussi nombreuses que celles qui sifflent sur la tête de la Gorgone, assurent que ce treizième travail s'avère, même une fois la grande scène démontée et la caravane du festival évaporée, toujours aussi ardue dès lors qu'il s'agit de passer sous les voûtes, le long des façades des restaurants dudit Cours. Le local ou l'estivant avec poussette doit ainsi faire preuve d'une ruse à la hauteur déployée par les Achéens pour prendre Troie.
D'autres esprits soucieux de la qualité architecturale de la ville vouent aussi aux Gémonies les exploitants ayant osé dresser, avec autorisation et tarification, sur le domaine public des excroissances plastifiées à l'allure d'autant de tumeurs. De quoi faire aboyer comme Cerbère des architectes des Bâtiments de France.
Couleurs et mobilier
Outre le constat que le retrait réglementaire d'1,40 mètre de tout mobilier de terrasse par rapport au trottoir se fait souvent tordre le cou tel un serpent dans le berceau d'Hercule, des êtres soucieux de cohérence et d'harmonie sont plus que marris de constater, en différents endroits de la ville, le mauvais assortiment des différentes couleurs des stores haubanés des terrasses. Ils se demandent également, à l'instar de Pénélope à propos de son époux, quand est ce que le mobilier digne de ce nom reviendra au pays.
La concertation, pas le conflit Tant Sabrina Laconi, l'adjointe dont le combat est celui du tourisme, du commerce et des marchés, également en charge du secteur sauvegardé et de l'urbanisme en centre-ville, que Christophe Marchais, qui coiffe le casque de directeur de l'Office du tourisme de La Rochelle, aucun ne fait dans la déclaration de guerre.
Convaincus que l'interdiction des terrasses serait bien évidemment un non-sens touristique et équivaudrait à faire subir aux commerçants le sort de Polyphème, ils savent qu'il est néanmoins impossible de changer la situation d'un coup de baguette magique, fusse celle de Circé.
Mais pas question de transformer les cafetiers restaurateurs en cochons de payeurs - « sachant que les tarifs du mètre carré de terrasse sont, à La Rochelle, dans la moyenne faible par rapport à ce qui est pratiqué dans d'autres villes (2) », lance l'élue radicale de gauche - et de leur mettre sous la gorge l'épée des contraintes implacables et applicables sur le champ.
L'engagement volontaire de la grande armée des cafetiers-brasseurs-restaurateurs (3) est sollicité et cette mission de stimulation incombe d'abord à l'adjointe au maire. « Nous avançons, considère-t-elle. Nous travaillons sur le principe de la concertation. Il faut aussi tenir compte de tous les paramètres, dont les charges et les investissements des exploitants, y compris ceux effectués pour des choix critiquables. »
Restauratrice elle-même, l'élue sait de quoi elle parle mais assure qu'elle ne ménage cependant pas ses pairs. Au fond, Sabrina Laconi a conscience que ces commerces avec terrasse sont un atout et non un talon d'Achille de la ville. Elle prend le pari que la situation va gagner vers le beau « au fil des aménagements programmés de la place de la Motte-Rouge, puis du quai Valin, le Cours des Dames et enfin le Quai Duperré. »
À l'horizon 2012, ce territoire sensible devrait donc être pacifié sans avoir été en guerre. Et si aucun PV n'a encore été dressé de la saison, Sabrina Laconi précise que lorsque cela était imminent, « la terrasse était rentrée dans le rang ».
(1) Ennemi implacable d'Héraclès, il lui donne la liste des douze travaux. (2) 12,98 ? en zone piétonnière ; 8,70 en centre-ville et 6,40 aux Minimes de mai à septembre. (3) Le service commerce gère 257 dossiers terrasse en centre-ville, 12 aux Minimes et 19 hors ces deux secteurs. Les cafés, hôtels, restaurants étaient au nombre de 473, en 2008, à La Rochelle.