Très discrète Gauche moderne

Publié le par PRG

Depuis dix-huit mois, la Gauche moderne accompagne Nicolas Sarkozy et le gouvernement. Incarné par Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat aux Anciens combattants et chef de file du mouvement, le mouvement de centre-gauche peine toutefois à se faire entendre dans le débat public. Comme son rôle exact aux côtés de la majorité tarde à être précisément défini.

Nous ne sommes pas dans une majorité de droite, mais dans une majorité ouverte." La Gauche moderne ou l'art de la nuance. Depuis dix-huit mois, le mouvement initié par Jean-Marie Bockel, définitivement organisé en parti à la fin du mois de novembre (lire: Bockel envoie sa Gauche moderne), poursuit son aventure aux côtés du pouvoir sarkozyen. A ce jour, la formation du secrétaire d'Etat aux Anciens combattants revendique "plus d'un millier d'adhérents", dixit Serge Federbusch, "animateur" de la Gauche moderne à Paris. Un chiffre bien évidemment marginal comparé aux autres composantes de la majorité, UMP et Nouveau centre en tête, mais qui est appelé "à grossir très rapidement", veut croire cet élu du 10e arrondissement de la capitale, résolument optimiste.

Trop? C'est fort possible. Depuis dix-huit mois que la Gauche moderne - un ministre et 150 élus locaux - a fait le choix de collaborer avec le pouvoir en place, sa voix ne s'est que très rarement fait entendre. Pendant que le Nouveau centre, voire une partie de l'UMP, exprime publiquement ses réserves au sujet de la réforme de l'audiovisuel public ou sur l'extension du travail dominical par exemple, la Gauche moderne, elle, s'enferme dans son mutisme. "Nous sommes un parti jeune", justifie Serge Federbusch. "Quand le Nouveau centre a décidé de se désolidariser de Bayrou, il avait une base qui lui a permis de devenir un parti, de peser. Ce n'est pas encore notre cas." Le politologue Dominique Reynié tourne ce propos autrement. "Dans le jeu politique, les prises de position sont d'autant plus fortes que l'on est dans l'opposition. Si on est dans la majorité, il faut être un parti fort pour se faire entendre." Ce qui est loin d'être le cas de la Gauche moderne.

Attention toute particulière

Peut-être parce que le mouvement de Jean-Marie Bockel, s'il assume parfaitement son statut "d'allié" au sein de la majorité présidentielle, n'a pas encore réussi à définir son rôle exact dans la galaxie Sarkozy. "De centre gauche, la Gauche moderne soutient et nourrit l'action réformatrice du gouvernement", affirme dès ses premières lignes le manifeste d'un parti qui se revendique du social-libéralisme européen. "Nous mettons en avant des valeurs, de gauche, qui ne sont pas forcément prioritaires à l'UMP, comme la culture ou la laïcité", tente pour sa part Francine Girond, membre du Conseil national de la Gauche moderne. Des exigences de fond, sans résultats visibles pour l'instant, qui serviraient surtout un autre dessein, selon Dominique Reynié. "La Gauche moderne sert l'UMP et Nicolas Sarkozy en faisant du sarkozysme un socle qui dépasserait la droite."

D'où l'attention toute particulière accordée par le chef de l'Etat à son jeune allié. Son Premier ministre, François Fillon, avait en effet été dépêché le 29 novembre dernier, à Suresnes, au congrès fondateur du mouvement. Et à la tribune, Jean-Marie Bockel a lu un message transmis par l'Elysée, dans lequel le président de la République "souhaite que la Gauche moderne rassemble tous ces Français de gauche éloignés et las des querelles subalternes et dépassées." Histoire de couper un peu plus l'herbe sous les pieds du PS, une tâche dont, pour le coup, s'acquittent parfaitement les amis du maire de Mulhouse.

L'option DSK avortée

"Le PS entretient les inégalités et les échecs. Il est incapable de passer à l'âge adulte", avance, entre autres amabilités, Serge Ferderbusch, qui précise par ailleurs, un rien amer, avoir été encarté "pendant 29 ans" au parti de la rue de Solferino. Son courroux contre son ancienne maison, il le date des années Jospin et notamment au choc du 21 avril 2002. "Il n'y a eu aucune réflexion à propos de cet échec. Depuis, il n'y a eu ni chef, ni programme." Et ce n'est pas l'actuelle direction qui risque de le faire changer d'avis. Seul Dominique Strauss-Kahn trouve grâce à ses yeux. "S'il avait été candidat en 2007, le choix entre lui et Nicolas Sarkozy aurait été plus compliqué", admet-il. Il ne le fut donc pas. "L'élection de Nicolas Sarkozy représentait pour nous un changement affectif", avoue Francine Girond. "Nous avons été attirés par son parler vrai, sans tabou", ajoute l'universitaire parisienne, proche de Jean-Marie Bockel.

Dix-huit mois plus tard, le constat est toujours aussi favorable. "Dans tout ce qu'il a entrepris, je ne vois rien qui ne relève de la droite dure", estime Serge Federbusch, ne trouvant donc pas grand chose à redire aux débats qui ont fait polémique, sur l'immigration, sur la carte judiciaire ou sur la réforme des universités. Il ne fait même pas un drame de la "rétrogradation" de son champion du secrétariat d'Etat à la Coopération à celui des Anciens combattants, pour des propos jugés en haut lieu trop virulents contre la "Françafrique" et dont s'étaient offusqués certains chefs d'Etat du continent noir (lire: Françafrique: Bockel recalé).

"Il a effectivement ressenti cela comme une forme de sanction, il en a été meurtri", reconnaît tout de même Francine Girond. Pas au point, toutefois, de quitter le gouvernement. "Parce qu'il n'est pas Jospin. Il y a d'autres façons de faire que de claquer la porte", grince Serge Federbusch, décidément impitoyable contre ses anciens "camarades". Dominique Reynié avance une autre explication: "Au PS, Bockel vivait à l'intérieur d'un grand parti de gouvernement qui l'ignorait. Actuellement, il vit au crochet d'un autre grand parti de gouvernement, mais celui-ci lui accorde un peu de considération." C'est déjà ça.

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