Le PS dans l'impasse ?

Publié le par PRG

Les Inrocks le 20 Juillet

Les alliés naturels du Parti socialiste ont refusé la main tendue de Martine Aubry en vue d’un rassemblement. Une crise idéologique avec les élections régionales de 2010 en ligne de mire.
Arrêtez de nous casser les pieds ! Que le PS arrête avec son paternalisme”, a déclaré Daniel Cohn- Bendit chef de file d’Europe Ecologie. “S’il s’agit de cautionner une comédie, je n’en suis pas”, a rétorqué Jean-Luc Mélenchon du Front de gauche. La première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry, a essuyé refus sur refus après sa proposition par lettre aux partis de gauche – hors NPA – de fonder une “maison commune” de la gauche en vue de la présidentielle de 2012.

C’est pathétique et très humiliant pour le PS d’être rabroué par ses alliés naturels”, commente l’historien Vincent Duclert, auteur de La Gauche devant l’histoire (Seuil, 2009). Après sa déconvenue aux européennes avec 16,5% des voix, devançant de justesse Europe Ecologie (16,3%), Martine Aubry tente de reprendre la main à gauche et de réaffirmer le leadership du PS. Dans sa ligne de mire : les régionales de mars 2010, et ce, alors que Cohn-Bendit a déjà annoncé qu’Europe Ecologie refusera de faire liste commune au premier tour avec le PS. “C’est une manoeuvre grossière au moment où le parti a tout à gagner à l’union car il a beaucoup à perdre”, analyse le politologue Rémy Lefebvre. Le Parti socialiste préside en effet vingt régions sur vingt-deux. Il doit impérativement limiter la casse. En fustigeant le “double jeu” de la lettre de Martine Aubry, Jean-Luc Mélenchon dénonce une manoeuvre selon lui plus guidée par des raisons de stratégie interne que pour créer les possibilités de la victoire de la gauche en 2012.

 

La première secrétaire agit comme si les européennes n’avaient pas eu lieu. Elle fait référence à 1936, 1981, 1997, des moments d’union de la gauche mais aussi de forte domination socialiste. Elle rejoue ainsi l’histoire héroïque et mythique en contradiction avec la réalité politique et intellectuelle actuelle. Plus le PS s’enferme dans un modèle initial, moins il sera capable de trouver un leadership. Pour conserver l’essentiel, il faut changer”, analyse Vincent Duclert.

Les autres partis de gauche ont gardé un mauvais souvenir de leur dernière alliance avec le PS à la suite des règlements de comptes après le 21 avril 2002. Le PS a ainsi imputé l’arrivée de Le Pen au second tour à la dispersion des votes à gauche. “Il est navrant qu’ils pensent qu’en un claquement de doigts, ils puissent rétablir une relation inexistante avec les autres partis depuis l’échec de la gauche plurielle”, commente Rémy Lefebvre.

Les refus de Mélenchon et Cohn-Bendit sont une façon de faire monter les enchères alors que la lettre de Martine Aubry ne contenait aucune proposition concrète, à l’inverse de la proposition non reprise de Benoît Hamon, porte-parole du PS, de laisser des présidences de régions à ses partenaires. “Les écolos et Mélenchon, aidés par un mode de scrutin proche de celui des européennes, font le pari de se maintenir pour les régionales, voire de faire mieux, afin de peser en 2012 sur la répartition des sièges de députés, voire de proposer un candidat non PS”, analyse Vincent Duclert.

L’initiative de rassemblement de Martine Aubry lui permet aussi de couper court au débat sur les primaires à gauche lancé par Arnaud Montebourg, secrétaire national à la rénovation et président d’une commission sur la question. Les conclusions de la commission préconisent d’arrêter “avant la fin 2009 principes et modalités” de primaires à gauche. Or la première secrétaire a rétorqué que cette question serait tranchée à l’été 2010. Trop tard pour le député de Saône-et-Loire qui menace de saisir les militants socialistes à la rentrée. “Martine Aubry ne les souhaite pas telles que Montebourg les propose”, décrypte Rémy Lefebvre. Selon lui, elles doivent être les plus ouvertes possible à partir des listes électorales nationales. “La première secrétaire craint que cela ne fasse prévaloir une logique d’opinion, diluant la logique des partis dans celle des sondages alors que sa cote de popularité n’est pas très haute et que l’idée de primaires est soutenue depuis un moment par Ségolène Royal ”, continue le chercheur.

Le Parti socialiste est dans l’impasse, pris dans un étau idéologique – alliance avec le MoDem ? avec la gauche de la gauche ? intégration du logiciel écolo ? – et organisationnel. Le poids des élus et des notables y est tellement fort qu’il n’y a plus d’autorité centrale. Martine Aubry, portée à la tête du PS par les grandes fédérations du Nord, ne les contrôle pas et en dépend. Comment alors les réformer ? A cela viennent s’ajouter les logiques de courants individuels et conjoncturels, sans identité et stabilité structurelle, liés à des personnalités – Peillon, Valls, Moscovici, Hollande, Royal… – et induits par la présidentialisation. “Ce n’est plus l’intérêt collectif qui prime mais l’individualisme des dirigeants qui traduit la décomposition du parti”, constate Rémy Lefebvre.

Le PS a-t-il atteint un point de non-retour ? “S’il perd les prochaines élections régionales, c’est le coeur de son fonctionnement qui sera touché”, remarque-t-il. Soit son enracinement local, à la fois sa force et sa perte. Mais les régionales ne sont pas les européennes. Le PS peut préserver ses puissants ancrages comme les voir lentement décliner. “Tel que ce fut le cas pour les radicaux, très puissants après la Première Guerre mondiale, avant de se diviser. Malgré un diagnostic critique, l’échec de sa rénovation à cause de pesanteurs et logiques mortifères a causé sa perte”, conclut Vincent Duclert.

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