Les couteaux affilés de la traîtrise

Publié le par PRG

Club Corsica le 6 aout 2008

Face aux sortants Nicolas Alfonsi et François Vendasi, les deux candidats de la droite doivent absolument compter sur une mobilisation sans faille de leur propre camp. Mais c’est sans doute trop lui demander.

Officiellement le président du conseil général de la Corse-du-Sud a préféré se consacrer pleinement à sa charge. Et ce qui est officiel prévaut sur les bruits de couloirs. Que se disaient-ils, sotto voce ? Tout simplement que la candidature de Jean-Jacques Panunzi, initialement considérée comme évidente par les cadres locaux de l’UMP, au regard notamment de l’exercice de son mandat à la tête du département, risquait d’être torpillée dès lors qu’Antoine Giorgi s’était déclaré. Exit donc la candidature, souvent évoquée jamais déclarée, de Jean-Jacques Panunzi.
Antoine Giorgi, le conseiller exécutif en charge du tourisme, candidat sans passer par la case candidat à la candidature, bénéficie désormais de l’investiture de l’UMP (qu’il avait sollicitée cependant auprès des instances parisiennes). Point positif pour la droite locale : l’UMP de Corse-du-Sud a évité une nouvelle crise ouverte (après celles de la législative et de la municipale). Sera-ce suffisant pour enlever le morceau ? Rien n’est moins sûr tant le sénateur sortant, Nicolas Alfonsi, apparaît solide sur ses positions. En décembre 2001, à la suite de l’invalidation de Louis-Ferdinand de Roca Serra, le candidat du centre gauche avait profité d’une grande confusion à droite pour l’emporter sans grande difficulté sur le candidat du centre droit, Philippe Ceccaldi (190 suffrages contre 135 ; le communiste Paul Borelli réunissant 17 voix).
Antoine Giorgi entend faire de cette campagne une tribune politique – au sens de la réflexion – susceptible de relancer la machine UMP, selon lui, en panne d’idées. Et probablement de cohésion, voire de stratégie. Sans négliger le mandat sénatorial pour lequel il part en campagne, Giorgi s’inscrit donc dans une démarche de refondation, à tout le moins sur le moyen terme. Et dans ce contexte, sa candidature, certes faite à la hussarde, pour peu qu’elle tienne ses promesses – et qu’elle soit entendue au sein même de l’UMP –, pourrait constituer un acte plus fort qu’attendu. Un pari mobilisateur, et rénovateur, en quelque sorte. Et, concrètement, un pont jeté sur la territoriale. On pourra toujours rétorquer que derrière ces bonnes intentions se cache une ambition personnelle et opportuniste toute banale. Peut-être. Mais la politique est faite d’ambitions personnelles commandées par des opportunités. Celle de la sénatoriale ne passionne pas les foules (à cause du mode de scrutin ?), ca’est le moins qu’on puisse dire ! Elle aura ici – peut-être – au moins le mérite de mobiliser davantage l’attention.
Trois ans après la victoire du PRG François Vendasi, conseiller général et maire de Furiani, qui avait pris précipitamment la place au sénat de son voisin de Borgo, l’UMP Paul Natali, invalidé à la suite d’une condamnation en justice, c’est le retour aux urnes.
Et c’est encore une affaire de division qui se profile en Haute-Corse pour la droite. Avec cette fois-ci dans le rôle du candidat officiel de l’UMP, quoique n’étant pas membre de ce parti1, Jean Baggioni, maire de Ville de Petrabugno, mais surtout ancien président de l’exécutif, et dans le rôle du candidat dissident, Anne-Marie Natali, conseiller territorial, maire de Borgo, épouse de Paul.
La situation était inversée en juin 2005. Ange Santini qui avait succédé à Jean Baggioni à la tête de l’exécutif de Corse, était adoubé par l’UMP, et dans la foulée il avait choisi Anne-Marie Natali comme suppléante. Mais ce ticket qu’on donnait pour gagnant avait trouvé sur son chemin un certain Jean Baggioni fort marri d’être ainsi écarté par des hommes – Ange Santini et Camille de Rocca Serra – dont il avait scellé le destin.
Le maire de Ville de Pietrabugno, longtemps dans la course, ne jetait l’éponge qu’à dix jours du scrutin. Très amer, il avait des mots durs pour certains responsables de la droite insulaire et ne donnait à ses supporters comme consigne de vote que celle-ci : « La démocratie vous donne la parole, prenez-la pour exprimer vos convictions en toute liberté. » A la sortie des urnes, en deux tours, François Vendasi était élu (266 voix contre 248 à Ange Santini). Et un petit matelas de suffrages (13) à Michel Stefani, mais à partir duquel le candidat du parti communiste faisait grand bruit. A son gré cette victoire de la gauche était une défaite de la morale en politique. Il rappelait volontiers qu’à la législative de 2002, il fallait barrer la route à ce même Vendasi, alors dressé contre Émile Zuccarelli, afin de l’empêcher de siéger au parlement et de « préserver la Corse des dérives » qu’il représentait.
En 2005, le maire de Furiani qui a depuis reconquis son siège de conseiller général, l’avait emporté avec une balance de neuf voix, mais il avait confié que si cela avait été nécessaire, il aurait pu corser l’addition. En sera-t-il de même face à Jean Baggioni ? En politique, on ne peut jamais jurer de rien, notons simplement que la gauche qui devrait se ranger comme un seul homme derrière François Vendasi, a encore amélioré ses positions aux dernières élections cantonale et municipale et que l’union de la droite, si elle parvenait à se dessiner, risque fort de n’être que de façade. Jean Baggioni l’a si bien senti qu’il a indiqué qu’il n’irait livrer ce dernier combat qu’à la condition que tous les couteaux de la trahison soient rangés au vestiaire. L’ennui, c’est que bien souvent ceux qui s’apprêtent à les sortir, ne le font qu’au tout dernier moment.

1 - C’est le 16 juillet que la commission nationale d’investiture de l’UMP rendait public son « soutien » à Jean Baggioni. Le lendemain, ce dernier n’en était toujours pas informé personnellement. Plutôt curieux !

Joseph-Guy Poletti


Publié dans Article

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article